Après « Flic ou voyou » et « Le Guignolo », tous deux réalisés par Georges Lautner, Jean-Paul Belmondo (alors au faîte de sa gloire) a pour projet de tourner « Barracuda » de Yves Boisset, un film d’aventures se déroulant aux Caraïbes et inspiré en partie par l’affaire Claustre (l’enlèvement d’une Française, retenue en otage au Tchad de 1974 à 1977, qui se transforma en affaire d’état). Mais les deux hommes ne parviennent pas à s’entendre. « Il y a eu, disons, incompatibilité de conception sur le projet, rapporte Boisset. Après avoir travaillé six à sept mois sur le scénario et fait des repérages aux Antilles, on ne s’est pas mis d’accord sur le scénario : Belmondo voulait faire un film d’aventure et se refusait à toute allusion à l’affaire Claustre. Moi, au contraire, j’avais envie de réaliser à la fois un film d’action qui mettrait le doigt sur certains aspects obscurs de cette affaire. » Alexandre Mnouchkine, le producteur attitré de Belmondo (depuis « Cartouche »), n’est pas intéressé lui non plus par « Barracuda » et propose à Yves Boisset d’adapter pour sa vedette un roman de l’Anglais Patrick Alexander, « Mort d’une bête à la peau fragile » (paru en 1978 chez Gallimard).
Le cinéaste refuse mais Belmondo suit les conseils de son producteur. « Je trouvais le livre très bon et comme je voulais faire, derrière « Le Guignolo », quelque chose de plus grave, et que je voulais revenir au policier… » Tout naturellement, le film est proposé à Georges Lautner qui est libre pour entamer la préproduction. Michel Audiard s’attelle au scénario et aux dialogues. Le roman, qui se déroule en Angleterre, doit être « francisé » mais hormis ce détail, le script final suit à la lettre l’histoire originale. Certaines répliques viennent même directement du livre. Pourtant, la première version proposée ne semblait pas convenir, comme s’en souvient Lautner : « L’adaptation était partie sur une fausse route et quinze jours avant le film, on a eu le choix entre arrêter le film et le corriger. On l’a corrigée avec Jacques Audiard et l’équipe. »


De l’Afrique (?) à Paris
Le tournage débute en mai 1981 en Camargue avec les scènes africaines de la

La bande à Bébel
Comme souvent, le casting est « solide ». « Le problème dans beaucoup de films que j’ai tournés, explique Belmondo, c’est que très souvent, je n’ai pas eu face à moi de méchants qui faisaient le poids. J’ai donc suggéré aux producteurs d’engager Robert Hossein, afin de me retrouver confronté à un acteur d’envergure me donnant beaucoup de fil à retordre. » (Tout de même, Omar Sharif dans « Le Casse », « Bruno Cremer » dans « L’Alpagueur » ou Adalberto-Maria Merli dans « Peur sur la ville » étaient carrément à la hauteur !) Hossein, avec qui il a tourné dix ans auparavant « Le Casse », se révèle un redoutable commissaire Rosen, flic violent prêt à tout pour neutraliser Beaumont. « Le Professionnel » marque aussi les retrouvailles de Belmondo avec d’autres acteurs comme Jean Desailly (« Le Doulos »), Elizabeth Margoni (« Le Corps de mon ennemi ») et son ami de toujours Michel Beaune.
Morricone remix
Alors que la postproduction commence, Ennio Morricone est choisi pour composer la bande originale. En attendant qu’il débute son travail, Lautner choisit parmi quelques disques qu’on lui soumet un thème du musicien. Il est séduit par « Chi Maï », un morceau du film italien « Maddalena », réalisé par Jerzy Kawalerowicz en 1971. « J’ai monté le film avec ce disque. Après la première projection, tout le monde était emballé. Je vais à Rome. Morricone enregistre la nouvelle musique dans la couleur de « Chi Maï ». Je monte le film avec cet enregistrement. Projection : déception. Belmondo a dit, et tout le monde aussi : « Oh, oh, ça va pas ! ». J’ai remis le 45 tours. » René Château, qui est chargé de la publicité sur les films de Belmondo depuis plusieurs années, se souvient : « Nous avons sur-utilisé ce thème en le mettant sur tous les moments faibles du film. Une idée reprise du « Docteur Jivago » où le célèbre air de Maurice Jarre (« La Chanson de Lara ») revenait sans cesse en leitmotiv alors qu’elle ne représentait qu’un petit passage du film. Cela a été une des raisons principales de l’énorme succès du « Professionnel »… La musique masquait les trous du scénario… » Fait amusant, « Chi Maï » est également présent dans un feuilleton de la BBC, « The Life and Times of David Lloyd George » diffusé en Grande-Bretagne deux mois avant le début du tournage du « Professionnel ».

Mourir ou pas
A la sortie du film, Jean-Pierre Lavoignat évoque avec Jean-Paul Belmondo son projet de film sur le gangster Jacques Mesrine et lui demande : « Malgré votre image de marque, vous accepteriez de mourir comme ça ? » Ce à quoi la star répond : « Pourquoi pas ? » Il faut dire que « Le Professionnel » n’a pas été présenté à la presse et que la fin du film n’est donc pas encore connue… Mais la question s’est réellement posée à la production. Belmondo et Lautner étaient d’accord pour faire mourir Joss Beaumont alors qu’il se dirige vers l’hélicoptère, une fois N’Jala tué (par Farge). « Tout le monde était contre nous, rappelle Lautner. Notre raisonnement n’était pas faux. Nous faisions des films avec Belmondo en agitateur comique, sur le ton de la dérision, de la légèreté. La mort du héros donnait soudain une certaine gravité à ce cinéma de détente. Quand Alain Poiré est sorti de la projection privée, il a téléphoné à notre producteur du moment, Mnouchkine : « Sacha, si Belmondo meurt à la fin, vous perdez deux cent cinquante mille entrées sur Paris. » J’avais tourné une autre fin : Belmondo partait dans l’hélico avec une très jolie fille, Marie-Christine Descouard… Mais nous avons tenu bon. Belmondo se fait descendre, et on reste sur son cadavre avec la musique de Morricone. On en prend plein la gueule. »
[sources : « Première » n°55, n°60, « Ciné-news », « Starfix » n°13, « Robert Hossein » de Henry-Jean Servat (Editions du Rocher, 1991), « Belmondo » de Philippe Durant (Robert Laffont, 1993), « Georges Lautner foutu fourbi » de José Louis Bocquet (La Sirène, 2000), « On aura tout vu » de Georges Lautner (Flammarion, 2005)]
17 commentaires:
très bon papier mais il manque en illustration cette très belle affiche russe : http://img254.imageshack.us/img254/9520/profesqj6.jpg
Bizarre cette affiche.
Thanks for this really great background information! "Le Professionnel" is and stays one of Europe's greatest thrillers of the Eighties! This and the very underrated adventure comedy "L'As des as" were Belmondo's best!
Kiffant. Je regrette que Joss meure à la fin. Mais en même temps, s'il n'était pas mort, ç'aurait été une comédie. Alors ben tant pis. Salut Joss !
Bonjour,
Savez vous ou a été tournée la scène culte du duel entre Belmondo et Hossein ?
Merci infiniment.
eh bien non, malheureusement. Et ce n'est pas faute d'avoir cherché !!
Bonjour,
Avez-vous reussi a localiser d'autres lieux de tournage a Paris ? Comme, par exemple, la maison qui abrite l'appartement de Valeras ?
Merci beaucoup de vos recherches.
La maison de Valeras... non ! J'ai cherché des indices dans le film lui-même mais rien n'y a fait. En revanche, l'appartement de Joss Baumont se trouve au 5, rue des Eaux. (on voit la façade de l'immeuble dans "Inception" !!
Très intéressant !!
Sauriez-vous par contre quel est le château où est logé le président N'Jala ? Il est fort joli...
Merci d'avance.
c'est le Château de Maintenon en Eure et Loir.
Bonjour,
Je suis tombé par hasard sur cet article et sur les commentaires : le duel a été tourné dans la cour de l'ensemble sud des immeubles Pouillon, situés entre la rue du Point du Jour et l'avenue Pierre Grenier à Boulogne-Billancourt. L'endroit n'a absolument pas changé de nos jours.
un navet !
l'appartement de Valréas se situe au n° 1 avenue Émile Deschanel à PARIS 7ème. La scène suivante ou Belmondo fuit en voiture se déroule rue Marinoni, perpendiculaire à Émile Deschanel.
GoogleMaps confirme les prises de vues du film.
Bonjour
Je recherche l'endroit où a été tourné en Camargue, aux saintes maries de la mer? Est ce que vous connaissez cet endroit exactement ? la camargue est vaste...
101 cours des longs près, Boulogne Billancourt.
1-3 avenue Barbey d'Aurevilly, PARIS
Bonjour, est ce que vous connaissez le lieu de tournage du bar avec le personnage de Farges ou ce déroule la scène du croissant : « Le croissant, c’est pour mon amis »
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